Grades et progression
mémoire d'accès au grade de 7è DAN
Le grade est-il essentiel dans la progression en karaté ?
Georges EYSSARD, 6ème DAN
Ligue DAUPHINE-SAVOIE
Candidature au grade de 7ème DAN
SAISON 2008-2009
SOMMAIRE
Préambule …………………………………………………………….. 3
Remerciements …………………………………………………………. 4
Introduction …………………………………………………………….. 5
Mon parcours …………………………………………………………… 6
Le concept des grades ………………………………………………… 8
La progression en karaté ………………………………………………10
Conclusion ……………………………………………………………... 13
PREAMBULE
Je m’interroge devant l’idée de présenter ma demande pour le 7ème DAN. Pour certains, il s’agit d’une reconnaissance logique faisant suite à leur ancienneté et leur parcours, pour d’autres, le besoin de démontrer leur dextérité dans un savoir-faire d’expérience.
Aujourd’hui, je n’ai pas envie d’être un « pensionné du karaté », j’ai envie d’être encore performant, non meilleur qu’un autre mais toujours déterminé et passionné.
Je peux encore m’appuyer sur la dynamique d’une pratique martiale. Cependant, le discernement de la simplicité dans la souplesse du geste martial gagne du terrain et me permet de rester enthousiaste.
REMERCIEMENTS
A mon premier professeur, Edmond CHASSIGNIEUX.
Aux maîtres japonais et aux experts français fédéraux qui m’ont fait comprendre que l’amour de la sagesse ne s’oppose pas à l’art du combat.
A Bernard BILICKI, je lui témoigne ma reconnaissance d’avoir su m’accompagner sur la voie de la compréhension de ma propre existence.
Aux responsables de la ligue Dauphiné-Savoie pour leur soutien actif qui a été pour moi d’une aide précieuse.
A tous les élèves et compagnons qui ont jalonné mon parcours, pour leur fidélité au cours de ces quarante années de quête martiale.
INTRODUCTION
1966 : voilà donc exactement 42 ans que j’ai débuté le karaté, à l’ ASPTT Grenoble, sous la direction de Edmond Chassigneux
Bien que le temps soit passé, l’âge venu, je suis toujours un pratiquant passionné.
J’ai assumé bien des fonctions au niveau de notre fédération et depuis 1998, j’ai la responsabilité de la commission Régionale des Grades.
C’est donc tout naturellement que le sujet de ma réflexion s’est imposé à moi : le passage de grade est il essentiel dans la progression en karaté ? Est-ce une tradition qui nous vient de ses origines asiatiques, transposée en Europe et qui perdure ou au contraire, les passages de grade font-ils partie intégrante de la transmission de cet art martial ?
Il y aurait donc à considérer si le concept des grades tel qu’il nous a été transmis et l’analyse d’une progression restent en cohérence dans la voie du karaté.
C’est à partir de mon propre vécu que je me sens en capacité de mener aujourd’hui cette réflexion. Voici donc, retracé ci-dessous, mon parcours :
GRADES
1973 1er DAN
1978 2ème DAN
1984 3ème DAN
1989 4ème DAN
1996 5ème DAN
2003 6ème DAN
DIPLOMES
1977 Diplôme d’Instructeur Fédéral FFKAMA
1986 Brevet d’état 1er degré en karaté
TITRES et FONCTIONS
1974 Arbitre Kumité - Juge Kata
1975 Arbitre kumité - Juge Kata de ligue
Depuis 1976 Juge de Grades Régional
Depuis 1998 Responsable Régional des Grades
Depuis 2000 Juge de Grades Inter Régional
COMPETITIONS
De 1969 à 1974 Champion de ligue en Kumité
1974 3ème au championnat de France Kumité catégorie moyen
ENGAGEMENTS et RESPONSABILITES
1974 Création du Karaté Club de St Egrève (USSE)
Plus de 150 ceintures noires formées.
Toujours enseignant à ce jour.
1975 Responsable Commission Kata départementale de l’Isère
1976 Responsable Commission Kumité de ligue
1980 Création du Karaté Club Varçois
Plus de 80 ceintures noires formées
Toujours enseignant à ce jour
De 1980 à 2002 Membre du Comité directeur de la ligue Dauphiné-Savoie
Nommé Responsable de la C. O. R. G. par la C. S. D. G. E.
depuis 2008 Intervenant en Karaté au K.C. Grenoble
JEUNESSE et SPORT
2005 Médaille de bronze Jeunesse et Sports
STAGES
De 1967 à 2008 Stages avec des experts japonais et des experts français fédéraux
Experts japonais |
Experts français |
KASE Taïji KANAZAWA Hirokazu NAKAHASHI Hidetoshi NAMBU Yoshinao SHIRAI Hiroshi FUKAZAWA Hiroji |
LAVORATTO Jean Pierre DIDIER Francis SAUVIN Guy VALERA Dominique Bilicki bernard GRUSS Gilbert CHOURAQUI Serge MASCI Thierry SERFATI Serge BELRHITI Patrice |
I
1 – LE CONCEPT DES GRADES
A - Le grade, un concept venu des maîtres fondateurs.
En Asie, le concept des grades, s’est inspiré de la hiérarchie militaire et universitaire de la fin du XIXème siècle.
Originellement, le système des grades s’inscrivait dans l’approfondissement d’un art qui se confondait avec la vie d’une personne. C’est dans cet esprit que le système des « dan » a été adopté.
En budo, ce qui importe, est la formation d’une personne tout au long de sa progression dans le chemin, sur la voie de la connaissance, de la maîtrise de l’art martial, formation échelonnée par les « dan ». Le Dan, degré, niveau, désigne donc, le grade supérieur dans la progression technique et mentale d’un pratiquant.
Le principe d’appréciation à travers une échelle de grades exprime les trois étapes fondamentales d’une progression traditionnelle dans l’art martial (SHU-HA-RI) : suivre le maître (stade SHU), être avec le maître (stade HA) et aller de son propre chemin (stade RI).
L’attribution d’un grade DAN intervient lorsque l’élève a gravi les échelons des grades inférieurs (kyu). En recevant son premier DAN, il passe dans une catégorie différente où s’ouvre pour lui une nouvelle progression qui sera marquée par une attribution de DAN en nombre croissant.
B - le parcours des grades à la FFKDA
Dans le cadre de la Fédération française, les examens de grades se déroulent suivant une méthodologie qui décline les stades d’apprentissage.
Il appartient au professeur d’attribuer les ceintures, de la jaune à la marron, dans son club et d’amener son élève en situation d’examen devant un jury de ceintures noires 2ème DAN de la Commission de Grades (C. O.R. G.). Le cadre du club bien que sérieux, reste convivial, il n’y a pas de dramatisation de l’échec. Par l’étape du 1er DAN, on rejoint « la cour des grands ». Il s’agit de se saisir des clefs qui permettront d’accéder à d’autres savoirs.
C’est toujours dans le cadre de la C. O. R. G. que le karatéka se présentera pour l’obtention du 2ème et 3ème DAN mais il sera alors soumis au jugement d’un jury composé de ceintures d’un niveau supérieur au sien.
Les examens pour l’obtention des quatrièmes et cinquièmes DAN sont ensuite répartis en inter-régions, sous la direction de la Commission Inter-Régionale des Grades (C. O. I. R. G.).
Du 6ème DAN et au-delà, les examens ont lieu au niveau national, sous la direction de la Commission Spécialisée des DAN et Grades Equivalents (C. S. D. G. E.), commission siégeant à la fédération de karaté.
Les grades supérieurs reconnaissent une valeur technique mais aussi une connaissance approfondie des véritables lignes de force se profilant derrière les techniques (okuden), une donnée qu’il n’est possible d’explorer valablement qu’à partir d’une maturité physique et mentale qui ne peut exister qu’avec l’âge et l’expérience.
Nous voyons donc comment se hiérarchisent, elles-mêmes, les commissions attributives de grades. Le lieu de l’examen et la qualité des intervenants, sont eux aussi, des signifiants sur les niveaux brigués.
D- le niveau des examinateurs
Il est donc, en retour, bien naturel que les examinateurs aient eux-mêmes acquis une formation et obtenu un niveau qui leur permet d’offrir un examen de qualité. La validité de tout rapport d’examen dépend des compétences de l’examinateur qui doit se doter des aptitudes techniques et analytiques appropriées. Une attention particulière a été accordée à la question du « savoir évoluer et juger », au niveau de la formation de juge de grade, dispensée chaque année dans le cadre fédéral par des experts fédéraux comprenant aussi bien les enseignements théoriques que pratiques. Ce travail garantit pour l’ensemble des juges de grade, le niveau de connaissances nécessaires, dans le respect des critères de la fédération et dans le respect du karatéka qui se présente à l’examen.
C – les grades, une valeur reconnue par un diplôme
Dans notre analyse, il faut donc bien prendre en compte que le grade a la même valeur qu’un diplôme d’état et qu’il est reconnu mondialement par la W. U. K. O.
En effet, les grades en karaté, dans le cadre de la FFKDA, sont reconnus par la loi du 16 juillet 1984 modifiée par la loi du 6 juillet 2000. Celle-ci précise que dans les disciplines relevant des arts martiaux, nul ne peut se prévaloir d’un grade ou d’un dan équivalent sanctionnant les qualités sportives et les connaissances techniques et, le cas échéant, les performances en compétition, s’il n’a pas été délivré par la commission spécialisée des grades et Dan équivalents de la fédération délégataire. La Commission Spécialisée des Dan et Grades Equivalents de la F.F. Karaté est donc la seule habilitée à valider les grades.
Mais un karatéka peut-il progresser et faire l’économie de ces épreuves de passage de grades ?
Qu’en attend-il ? Que peut-il en attendre dans son évolution personnelle, dans sa progression ?
II - la PROGRESSION en karaté
A - La hiérarchie des grades
L’attrait pour le karaté et au-delà pour les arts martiaux, est très intimement dépendant de l’attraction pour les grades qui exercent une fascination non négligeable sur le public mais aussi sur les pratiquants.
La première question que l’on pose à un pratiquant est celle qui concerne son grade, sa ceinture. En effet, entre pratiquants, la notion de hiérarchie est très forte. Elle est très prononcée avec le système des DAN qui servent notamment à démarquer.
Conquérir les grades sous-entend, acquérir des pouvoirs que l'on observe ou que l’on croit observer chez les plus gradés.
Le pratiquant doit affiner ses qualités de combattant dans des combats qui l’opposent aux autres, désireux de « décrocher », eux aussi, le grade suivant.
B – Une porte d’entrée
a) vers des formations diplômantes,
Les pratiquants qui veulent enseigner ont des pré-requis en terme de grades de karaté. De même, les arbitres et les juges.
b) vers une crédibilité
Les DAN assoient également une crédibilité. Ils assurent aussi de la notoriété (pour un enseignant par exemple). Ils sont un gage de la « Connaissance » qui est de nature à sécuriser le débutant qui s’inscrit dans un dojo.
Bien d’autres motivations pourraient être évoquées.
Mais gardons à l’esprit que le grade est un des moyens de se situer, de faire le point sur sa propre avancée, de passer des étapes. Obtenir la synergie de la maîtrise du corps (Hantaï) au travers de la maîtrise de la technique martiale, de son énergie (Ki), de l'espace (Ma) et du temps (Hyoshi), c’est toute une vie de persévérance, d’assiduité et une disponibilité mentale le « zanchin » que l’on atteint probablement avec la sagesse de l’âge.
Convenons que cela se perçoit graduellement selon un rythme qui est propre à chacun.
L’étape ultime étant bien entendu, l’unité du corps et de l’esprit qui est bien difficile à mesurer.
CONCLUSION
Alors, a-t-on besoin de la reconnaissance d’un jury pour progresser ? En quoi est-ce essentiel ?
Les passages de grades sont les moments qui permettent au karatéka de montrer au groupe, où il en est de ce voyage, ce qu’il a compris de l’enseignement qu’il a reçu et de quelle manière il est capable de restituer cet enseignement. C’est un lieu où il démontre ses progrès et où ceux-ci sont validés.
Il s’avère que la reconnaissance du grade libère le karatéka et lui permet d’aborder une étape suivante. Cependant, à mesure qu’il parcourt le chemin des grades, les difficultés pour obtenir le suivant, s’accroissent. Il fait l’expérience de ses limites et de ses faiblesses. Et puis avec le temps, s’élabore pour lui d’autres processus.
Kase nous livre lui-même son expérience et dit « …….Trente ans... avec une pratique régulière, c'est le temps de l'accomplissement : le corps exprime la pensée naturellement, en une parfaite harmonie. Plus tard, vers quarante années de pratique, aux alentours du 8ème dan, une certaine forme de sensibilité spirituelle, télépathique, se développe. A ce niveau, c'est l'esprit qui progresse... Pendant tout ce parcours, la réflexion et la remise en question intérieure accompagnent le travail physique. Pratique et réflexion ne doivent pas être séparées. Dans les premières années, la mentalité est primitive, l'opposition agressive. En évoluant, on comprend que la pratique du karaté-do, ce n'est pas de tuer l'autre, mais de l'aider à progresser à son tour dans la voie. L'adversaire devient partenaire... ».
La progression en karaté ne peut être que personnelle et non par rapport aux autres. Cela n’est pas en contradiction avec un désir de valider un niveau.
Quelque soit l’âge, le pratiquant « moderne » doit être libre de sa façon de concevoir son activité : loisir, compétition, système de grades (qui demande un réel investissement quelque soit l’âge). A nous, les clubs d’adapter « l’offre à la demande », sans renier le fond de notre discipline.
Evolution, progrès … on retrouve certaines valeurs développées par le sport en général dans nos sociétés occidentales. Mais les pratiquants d’arts martiaux et du karaté en particulier, ont cette chance de voir matérialiser leur évolution dans la discipline, tout au long de leur vie et ce, par le système des DAN.
Le passage de grade est un moment essentiel dans la vie du karatéka et participe à en faire un « passe âge ». Affronter cette épreuve, c’est faire montre de courage et de volonté. Il s’agit aussi de surmonter le fait d’exposer sa pratique aux autres dans les moments de force mais aussi dans l’évolution de sa propre vie. Pour ce faire, il est important d’avoir confiance dans ses pairs, les membres du jury qui sauront se montrer bienveillants tout en restant justes, équitables et à l’écoute de la situation particulière des candidats, de leurs trajectoires. Il n’y a pas que le factuel à prendre en considération mais aussi une dimension difficile à quantifier, les valeurs morales de l’individu, son investissement, sa sincérité, son engagement.
Nous savons que rien n’est jamais acquis définitivement. Il convient en la matière, de garder une grande humilité et s’armer de patience.